Skip to content

Voyages en Suisse

Victor Hugo

Ce volume réunit des extraits documentant le passage en Suisse de Victor Hugo, en particulier son court séjour avec Juliette Drouet en septembre 1839.

Curieux, ouvert et enthousiaste, le célèbre poète se mue en véritable guide, livrant un témoignage perspicace et une documentation précieuse sur la Suisse du XIXe siècle.

Victor Hugo a visité la Suisse à cinq reprises, entre 1825 et 1884, mais c’est essentiellement le court voyage qu’il y a fait en 1839 qui a le plus marqué son œuvre. En effet, plusieurs des grandes lettres constituant le récit de voyage publié en 1842, chez Delloye, sous le titre Le Rhin, ont trait à son passage en terres helvétiques et comprennent de pittoresques descriptions de certaines grandes villes suisses. D’autres pages de la même époque, plus ou moins développées, ne trouvèrent pas d’utilisation immédiate et restèrent dans les papiers du poète ; elles ne furent publiées qu’à titre posthume, en 1890, dans Alpes et Pyrénées.

 

Sous le titre non hugolien des Voyages en Suisse, on trouvera ici l’ensemble de ces textes, regroupés selon l’ordre chronologique du voyage de 1839. Se donne ainsi à voir l’image globale d’un événement qui a compté pour beaucoup dans la vie du poète et qui a contribué à enrichir sa conscience et son inconscient d’une foule d’images qui résumaient (d’avance) pour lui la nature romantique.

 

Cette édition reprend le volume publié aux Éditions L’Âge d’Homme en 1982, ainsi que l’introduction de Pierre-Olivier Walzer qui l’avait conçu. Il comprend de ce fait aussi les notes, succinctes, datant d’un nouveau séjour que Hugo a fait en Suisse en 1869, à l’occasion du Congrès de la Paix de Lausanne.

Auteur : Victor Hugo
Catégorie : regards d’ailleurs
Date de publication : 21 avril 2023
Longueur : 156 pages

ISBN 9782940733866

Également en format numérique

PDF : ISBN 9782940733873

Epub: ISBN 9782940733880

Echo Magazine – Thibaut Kaeser, 26 juin 2023

« Un plaisir de grand flâneur ».

Extrait de la Lettre XXXV

 

Quand on voyage en plaine, l’intérêt du voyage est au bord de la route ; quand on parcourt un pays de montagnes, il est à l’horizon. Moi, — même avec cette admirable ligne du Jura sous les yeux, — je veux tout voir, et je regarde autant le bord du chemin que le bord du ciel. C’est que le bord de la route est admirable dans cette saison et dans ce pays. Les prés sont piqués de fleurs bleues, blanches, jaunes, violettes, comme au printemps ; de magnifiques ronces égratignent au passage la caisse de la voiture ; çà et là, des talus à pic imitent la forme des montagnes, et des filets d’eau gros comme le pouce parodient les torrents ; partout les araignées d’automne ont tendu leurs hamacs sur les mille pointes des buissons ; la rosée s’y roule en grosses perles.

 

Et puis, ce sont des scènes domestiques où se révèlent les originalités locales. Près de Rhinfelden, trois hommes ferraient une vache qui avait l’air très bête, empêchée et prise dans le travail. À Augst, un pauvre arbre difforme, appuyé sur une fourche, servait de cheval aux petits garçons du village, gamins qui ont Rome pour aïeule. Près de la porte de Bâle, un homme battait sa femme, ce que les paysans font comme les rois. Buckingham ne disait-il pas à madame de Chevreuse qu’il avait aimé trois reines, et qu’il avait été obligé de les gourmer toutes les trois ? À cent pas de Frick, je voyais une ruche posée sur une planche au-dessus de la porte d’une cabane. Les laboureurs entraient et sortaient par la porte de la ruche ; hommes et mouches faisaient le travail du bon Dieu.

 

Tout cela m’amuse et me ravit. À Freiburg, j’ai oublié longtemps l’immense paysage que j’avais sous les yeux pour le carré de gazon dans lequel j’étais assis. C’était sur une petite bosse sauvage de la colline. Là aussi, il y avait un monde. Les scarabées marchaient lentement sous les fibres profondes de la végétation ; des fleurs de ciguë en parasol imitaient les pins d’Italie ; une longue feuille, pareille à une cosse de haricots entrouverte, laissait voir de belles gouttes de pluie comme un collier de diamants dans un écrin de satin vert ; un pauvre bourdon mouillé, en velours jaune et noir, remontait péniblement le long d’une branche épineuse ; des nuées épaisses de moucherons lui cachaient le jour ; une clochette bleue tremblait au vent, et toute une nation de pucerons s’était abritée sous cette énorme tente ; près d’une flaque d’eau qui n’eût pas rempli une cuvette, je voyais sortir de la vase et se tordre vers le ciel, en aspirant l’air, un ver de terre semblable aux pythons antédiluviens, et qui a peut-être aussi, lui, dans l’univers microscopique, son Hercule pour le tuer et son Cuvier pour le décrire. En somme, cet univers-là est aussi grand que l’autre. Je me supposais Micromégas ; mes scarabées étaient des megatherium giganteum, mon bourdon était un éléphant ailé, mes moucherons étaient des aigles, ma cuvette d’eau était un lac, et ces trois touffes d’herbes hautes étaient une forêt vierge. — Vous me reconnaissez là, n’est-ce pas, ami ? — À Rhinfelden, les exubérantes enseignes d’auberge m’ont occupé comme les cathédrales ; et j’ai l’esprit fait ainsi, qu’à de certains moments un étang de village, clair comme un miroir d’acier, entouré de chaumières et traversé par une flottille de canards, me régale autant que le lac de Genève.

Auteur.e

Victor Hugo (1802-1885) est l’un des plus grands auteurs de la littérature française, figure majeure du mouvement romantique.

À découvrir aussi

Lettres d’un voyageur russe en Suisse
La Suisse inconnue
×

Cookies

En naviguant sur notre site web, vous acceptez tous les cookies conformément à notre politique de confidentialité.