
Exercices de lucidité. Arendt, Aron, Kraus, Londres, Werth
Préface : Meuwly Olivier
Ode à l’honnêteté intellectuelle, ces Exercices de lucidité proposent une réflexion sur le refus des faux-semblants et de la facilité, au travers de l’œuvre d’Hannah Arendt, de Raymond Aron, d’Arthur Koestler, de Karl Kraus, d’Albert Londres et de Léon Werth.
Comment penser de manière réellement individuelle, sans concession aux courants à la mode ? Comment questionner encore et encore, interpeler ses propres préjugés, et chercher à comprendre surtout, sans étouffer sous les voix dominantes ?
Le présent recueil de chroniques propose une réponse à ces interrogations essentielles, au travers de l’œuvre de Hanna Ardent, Raymond Aron, Arthur Koestler, Karl Kraus, Arthur Londres et Léon Werth.
Publiés dans diverses revues, réunis en volume pour la première fois, ces textes sont accompagnés d’une préface inédite d’Olivier Meuwly, écrivain et historien.
Auteur : Pascal Vandenberghe
Catégorie : littérature romande
Date de publication : 15 septembre 2023
Longueur : 108 pages
ISBN 9782940749157
Également en format numérique
PDF : ISBN 9782940749164
Epub : ISBN 9782940749171
Vigousse – Stéphane Babey, 20 octobre 2023
(…) La passion de Vandenberghe est communicative et il sait donner envie de se plonger dans des sommes philosophiques qu’on pourrait autrement estimer trop rébarbatives. Du très bon travail de vulgarisation.
Extrait de la préface
Le choix de réunir en un seul volume les six auteurs auxquels Pascal Vandenberghe a consacré une brève biographie peut paraître a priori déroutant. Qu’est-ce qui relie ces six personnages, au-delà du fait qu’ils ont tous été des témoins au regard perçant des temps troublés qui ont précédé et suivi le grand traumatisme de 39-45 ?
Hanna Arendt, Raymond Aron et Arthur Koestler sont nés entre 1905 et 1906. Une complicité générationnelle ne peut toutefois être invoquée. Karl Kraus, Arthur Londres et Léon Werth voient le jour dans le dernier quart du xixe siècle, à la Belle Époque, appelée ainsi par opposition à celle qui l’a suivie : la guerre de 14-18. Cette dernière, Londres et Werth l’ont vécue : le premier comme reporter, spectateur horrifié de l’incendie de la cathédrale de Reims, le second au front, d’où il fut retiré pour cause de maladie, plusieurs semaines après le début des hostilités. Mais il avait eu le temps de vivre les premières batailles, toutes plus sanglantes les unes que les autres.
Faudrait-il fureter alors du côté de leurs idéologies respectives ? Exercice délicat tant ils sont difficilement classables sur le plan politique. Arendt prend ses distances de tout engagement concret après s’être plongée dans une philosophie, celle d’Heidegger, lourde d’ambiguïtés qui n’ont pas fini d’interpeler ses commentateurs. Aron se tourne d’abord vers le socialisme avant de s’en écarter et de devenir une référence consentante mais prudente des libéraux, tout en demeurant un lecteur aussi admiratif que critique de Marx.
Koestler, de son côté, s’est enlisé dans une fascination aveugle pour le communisme avant d’admettre sans fausse pudeur son erreur, pour mieux débusquer les ressorts des crimes qu’il s’en veut d’avoir, par son silence, cautionnés. Kraus s’amuse à enflammer sans vergogne les causes qu’il a épousées, du sionisme au catholicisme en passant par la social-démocratie, troublant autant ses lecteurs que ses adversaires. Londres se calfeutre dans l’observation analytique, mais n’hésite pas à s’indigner face à l’inacceptable, sans concession. Werth, enfin, refuse tout art à ses yeux frelaté au nom d’un anarchisme qu’il assume non sans déplaisir.
Se sentirait-on dès lors autorisé à dépister un territoire commun entre ces six personnalités, dont l’exceptionnalité ne ressort que mieux sous la plume empathique mais aiguisée de Pascal Vandenberghe, dans une sorte de marécage « libéral-libertaire » cher à notre époque contemporaine ? Face au commun et peu surprenant rejet de tout autoritarisme, cette tendance, plutôt que cette pensée, se satisfait trop souvent d’agglomérer les aspirations individualistes du temps présent en négligeant ce qui fait la spécificité du libéralisme et de l’anarchisme, dans leur contestation commune, à des degrés divers, de l’autorité et de l’État.