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La succession difficile

Walter M. Diggelmann

Préface : Clavien Alain

Traduction : Schaer Éric

Document-phare sur la Suisse de la Seconde guerre mondiale et de la Guerre froide, La succession difficile pose une question fondamentale : qu’est-ce que la conscience personnelle, dans un monde troublé ?

Lorsque David Boller apprend que ses parents, juifs, ont tenté de se réfugier en Suisse avant d’être victimes des nazis, il se met en quête de réponses, dans une Suisse marquée par la Guerre froide.
À ses propres interrogations répondent les doutes et les questionnements de ses interlocuteurs, dont la destinée fait écho à celle de la famille Boller.

 

En 1965, quand paraît La succession difficile (Piper-Verlag, Munich), le scandale est immense : Walter Matthias Diggelmann, l’un des écrivains les plus engagés de son temps, a osé en effet dénoncer l’influence de certains milieux politiques et économiques qui ne reculent devant rien pour préserver leurs intérêts. Ce roman ne se limite pas, toutefois, à la critique politique, et sa force toujours actuelle réside dans l’exploration par l’auteur des tensions entre engagement politique, intérêts économiques et conscience personnelle : une exploration plus que jamais indispensable.

 

Publié en français en 1969 aux Éditions Rencontre, à Lausanne, La succession difficile reprend ici la traduction d’Eric Schaer. Cette nouvelle édition est accompagnée d’une préface inédite d’Alain Clavien, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Fribourg.

Auteur : Walter M. Diggelmann

Titre original : Die Hinterlassenschaft
Catégorie : littérature germanophone
Date de publication : 18 octobre 2024
Longueur : 288 pages
ISBN 9782940775088
Également en format numérique

PDF : ISBN 9782940755095

Epub : ISBN 9782940755101

« Il a plu au Maître de la vie et de la mort de rappeler à Lui dans l’éternelle Patrie notre cher Johann Boller… »
« Le Maître de la vie et de la mort a repris votre père dans l’éternelle Patrie… »
« Le Maître de la vie et de la mort… »

Le vieux Bucher avait déchargé David, le fils unique, de presque toute la peine, de presque toutes les démarches : la démarche aux Pompes funèbres, la démarche pour l’avis mortuaire, la démarche chez le pasteur qui devait parler du mort dans la chapelle du cimetière central… non, cette démarche chez le pasteur, Bucher n’avait pas pu en décharger David.
« Je voudrais, avait dit en effet le pasteur, rencontrer personnellement le fils et lui parler. »
Aussi David avait-il accompagné le vieux Bucher, qui, ayant préparé le curriculum vitae du défunt, voulait le remettre au pasteur. Et le pasteur avait salué David par ces mots : « Il a plu au Maître de la vie et de la mort… »

Et cinq jours plus tard, à la sortie de la chapelle du cimetière central, le pasteur avait pris congé de David en disant :
« Consolez-vous, car c’est le Maître de la vie et de la mort qui a rappelé à Lui votre père… »

 

Dans les avis mortuaires aussi, toute la responsabilité revenait au Maître de la vie et de la mort, ainsi que dans les cartes de condoléances ; et dans les rares lettres que reçut David, il n’était pas moins question du Maître de la vie et de la mort, à part quelque consolante allusion, ici ou là, à l’âge avancé du défunt… Le vieux Bucher avait dépensé beaucoup d’argent en fleurs et en couronnes, afin que les fleurs et les couronnes couvrissent le cercueil, qu’il ne restât pas nu aux yeux des rares amis, dans la chapelle, et que le mort semblât regretté par des centaines de gens.

Mais seuls le vieux Bucher et David, le fils unique, regrettaient le mort, et le lendemain de l’enterrement, ce fils retournait au travail et allait le soir au cinéma. Le vieux Bucher, dont l’appartement se trouvait juste au-dessus de celui de Boller, alla se coucher à neuf heures comme il le faisait depuis des années, écouta la radio parce qu’il ne pouvait pas s’endormir, l’éteignit à onze heures et se mit à tendre l’oreille vers l’étage inférieur ; à minuit passé, il entendit s’ouvrir la porte de la maison, puis la porte de l’appartement d’en dessous ; il écouta David aller et venir, puis se coucher. « Il faut le laisser faire », pensa le vieux Bucher. Et c’est ainsi que, trois semaines durant, pensif, plein de sympathie et de vigilance, il le laissa faire, jusqu’au soir où, retenant son souffle, il tendit l’oreille pendant de longues minutes, puis saisit le récepteur du téléphone et appela la police. Il y avait des cambrioleurs dans l’appartement de Boller, dit-il à la police ; la police vint, cerna la maison, deux agents entrèrent, l’arme au poing, et sonnèrent à la porte de l’appartement. Le vieux Bucher se tenait dans l’escalier. Maintenant, les agents entendaient eux aussi ce remue-ménage de meubles, de tiroirs, de portes, d’objets tombant sur le plancher. Ils sonnèrent une seconde fois et crièrent : « Ouvrez, police ! »

Auteur.e

Walter Matthias Diggelmann (1927-1979), écrivain engagé, a régulièrement fait scandale en bousculant les habitudes conservatrices de ses contemporains.

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