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Le Hardi chez les Vaudois et autres histoires

Paul Budry

Dix-huit récits drolatique remplis de verve et de malice, où les menus faits du quotidien alternent avec des réécritures truculentes d’épisodes bibliques et de hauts faits de la grande Histoire.

Hardi : « qui ose sans se laisser intimider ». Mais aussi : autre surnom de Charles le Téméraire, qui décide en 1475 d’envahir le Pays de Vaud. De la geste des guerres de Bourgogne, Paul Budry extrait des épisodes restitués dans une perspective et sur un ton qui bouleversent les codes du récit historique.

 

Dans le même esprit, il revisite des Scènes de la révolution française : « Ces journées – ce n’est pas trop tôt qu’on aurait le droit de se laver les coudes dans le sang des bonnes familles – furent pour le chœur populaire un régal de frissons, de chaleurs, de théâtre, pour tout dire un festin de sensibilité ». La prise de Jéricho, elle, s’attaque à un moment clé de l’Ancien Testament pour le récrire sur le mode parodique.

 

Les autres textes du recueil – Le crucifix, Ci-gît Duchoux, Le pasteur de Praz-Riond et La vengeance de Madame Paccaud – viennent illustrer par d’autres exemples le talent virtuose et l’humour d’un écrivain au style inimitable.

 

La présente édition reprend l’accompagnement critique conçu par Yves Gerhard pour la publication de ces textes, en 2009, aux Éditions L’Âge d’Homme, sur la base du tome I des Œuvres. Histoires – Artistes – Paysages de Paul Budry (Cahiers de la Renaissance vaudoise, Lausanne, 2000). Elle est également accompagnée d’une préface de Jacques Chessex, ainsi que d’illustrations de Charles Clément.

Auteur : Paul Budry
Catégorie : littérature romande
Date de publication : 16 février 2024
Longueur : 180 pages
ISBN : 9782940749461

Également en format numérique

PDF : ISBN 9782940749478

Epub: ISBN 9782940749485

Quand ces enfants de Bourgogne se furent bien piqués au carré helvétique, à cette pelote d’épingles, à cette coque de châtaigne qui leur roulait dessus du haut des prés, quand le malentendu commença de se glisser dans leur manœuvre, et qu’enfin il y eut par les champs plus de dos que de ventres en vue, alors vous auriez dit que les arbres des bois entraient dans la partie, que la forêt piquait le pas de course de la Béroche en çà, que les sapins galopaient en criant, des pointes et des crochets de fer aux branches, que les rochers marchaient, que les pâturages du haut versaient sur la plaine avec leurs bestiaux et leurs sonnailles, vous auriez dit que tout le Mont-Aubert avait pris les jambes à son cou, tant il coulait de ces hommes de guerre de ses flancs, et tant pressés, tant contents, tant aboyants de se jeter sur la bête malade.

 

Et vous auriez vu alors, en l’ost du Hardi, ce qui s’appelle tricoter des semelles. À l’ouïe de cet orage guerrier, tout s’était senti fondre le cœur sur place, jusques au fond du camp, jusqu’aux pages du chenil, aux serveurs de la table ducale, et aux cireurs de bottes. Et, lâchant qui son fusil, qui sa broche, qui sa flanelle, le trac les pinçant aux mollets, tout décampait comme poussière vers Yverdon et Vuitebœuf.

 

En sorte que ces Suisses, mal payés de leur faim par une pincée de traînards rattrapés au vol et réduits sur place en bouillie, trouvèrent au moins le camp tout chaud, abandonné des locataires, la cuiller restée dans le pot aux cuisines, toutes clefs aux serrures, la bassinoire aux lits des dames, les guillons aux tonneaux, voire un bain tiède qui attendait monsieur le duc.

 

Mais le tout en si bel ordre, et de tant insolite magnificence que les premiers venus restaient écarquillés et cois aux huis des pavillons, et, tout interdits de l’aubaine, les yeux allant de leurs socques terreuses à ces tapis de soie, se retirèrent, ma foi, mal assurés, sans toucher à ces beaux quartiers, et se déportèrent avec entrain sur les quartiers communs, se passant l’envie d’en pourfendre en tailladant les tentes au couteau, et pour le contenu, l’éparpillant en l’air comme foin au bout des fourches, avant d’aviser à l’épargne.

 

Au point qu’une heure après ce fameux camp n’avait plus de figure que celle d’un épandage, où pour lors, les véhémences refroidies, chacun se mit à piquer au crochet, à trier le meilleur du pire, et à fourrer au sac. Voir si les avisés tardèrent plus à visiter, violer et détrousser les maisons de la gent ducale…

 

Mais, hormis les goujats et les furieux qui faisaient vilainement main basse sur les plus rares morceaux et visaient à tout prix les cassettes, et tranchaient du couteau les missels pour détacher les fermails, le pillage fut ordonné avec une honnêteté fraternelle : en pères de famille, c’est le mot, sous l’œil des avoyers, qui, en bonne justice, prélevaient en premier les métaux nobles pour les cantons, laissant aux particuliers la monnaie.

 

(« Détrousse de Grandson », in Le Hardi chez les Vaudois et autres histoires)

Auteur.e

Critique d’art, animateur de revue, cofondateur des « Cahiers vaudois », Paul Budry a marqué ses contemporains par sa liberté d’esprit et son dynamisme.

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