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Le roi d'Olten

Alex Capus

Préface : Jaccoud Antoine

Traduction : Cuneo Anne

Le roi d’Olten propose à la fois une description inédite, personnelle et humoristique d’Olten, petite cité au bord de l’Aar dans le canton de Soleure (et, accessoirement, nœud ferroviaire de la Suisse), et un bel autoportrait de son auteur, Alex Capus.

Ce recueil de brefs récits, parus dans la presse alémanique entre 2002 et 2009, offre une plongée surprenante dans la cité soleuroise d’Olten, l’un des nœuds ferroviaires les plus importants de Suisse. D’une plume drôle et tendre à la fois, Alex Capus y dépeint le cadre dans lequel il vit depuis son plus jeune âge : la beauté de la gare, le fumet de l’usine de chocolat, les joies de la piscine municipale, les industriels qui délocalisent, et surtout, Toulouse, un chat noir et blanc auquel aucune porte de la Vieille Ville ne résiste.

 

Entre souvenirs des jeunes années et anecdotes tirées de sa vie d’adulte, Alex Capus exprime ici tout l’amour qu’il porte à cette petite ville méconnue – et souvent mal aimée – et à ses concitoyens.

 

Parues en allemand chez Knapp Verlag en 2009, ces chroniques ont été traduites en français par Anne Cuneo et publiées chez Bernard Campiche en 2011. Le roi d’Olten est introduit dans cette nouvelle édition par une préface inédite de l’écrivain Antoine Jaccoud.

Auteur : Alex Capus

Titre original : Der König von Olten
Catégorie : littérature germanophone
Date de publication : 20 janvier 2023
Longueur : 129 pages
ISBN: 9782940733569

Également en format numérique

PDF : ISBN 9782940733576

Epub: ISBN 9782940733583

Lorsqu’en hiver le vent souffle du nord-est, on sent dans toutes les rues le fumet doux-amer du chocolat que Lindt & Sprüngli fait cuire derrière la gare ; lorsqu’au printemps le vent souffle du nord-ouest, la ville sent les biscuits Wernli ; et en été, lorsque les nuages d’orage s’accumulent sur les crêtes du Jura, les bancs limoneux et desséchés de l’Aar dégagent leurs effluves envoûtants.

 

Au bord de ce fleuve, j’ai fait toutes les choses importantes de ma vie : embrassé ma première fille, fumé ma première cigarette, pleuré la mort de mon grand-père, embrassé pour la première fois ma femme et fêté la naissance de mes fils. En été, je remonte souvent à pied les quatre kilomètres jusqu’à Aarburg, je saute du pont et je me laisse flotter jusqu’à Olten, si possible en faisant la planche, pour avoir la panse au soleil. Et si je plonge les oreilles dans l’eau, j’entends le gravier rouler dans le lit du fleuve.

 

Même en été, on finit pourtant par avoir froid, et il faut sortir. Cela doit se faire avant le vieux pont de bois, car plus loin en aval cela devient compliqué ; à droite, la rive est faite de murs en béton difficiles à escalader, à gauche il y a un promontoire rocheux sur lequel trône, inatteignable, la Vieille-Ville. À propos, la dernière fois que le vieux pont a été incendié, il y a plus de deux cents ans, c’était sur ordre du capitaine bernois Karl Fischer von Reichenbach, qui voulait freiner la traversée de l’Aar par l’envahisseur français, avec l’aide active des paysans des villages environnants, qui attendaient depuis quatre siècles une occasion de dire leur fait aux citadins. Lorsque les fortes solives de chêne avaient fini par prendre feu après qu’on eut longtemps joué avec les allumettes, l’armée révolutionnaire avait traversé l’Aar depuis belle lurette, ailleurs, et était arrivée sans encombre à Berne.

 

Après la chute de l’Ancien Régime, les Français ont offert aux bourgeois d’Olten, qui dès 1789 s’interpellaient les uns les autres en s’appelant « citoyens » et arboraient des cocardes bleu-blanc-rouge, un nouveau pont. Il n’est plus jamais venu à l’esprit d’aucun Bernois d’y bouter le feu.

 

Suspendu à quelque dix mètres au-dessus du fleuve, au beau milieu de la muraille de la Vieille-Ville, il y a un balcon vitré avec géraniums, table et chaises. Il s’agit de la terrasse du Café des bains municipaux, dont je suis un habitué. Lorsqu’on avait dix-huit ans, et qu’on ingurgitait d’incroyables quantités de bière, qu’on était quelque peu mal lavé et souvent fauché, on avait de la peine à blairer l’aubergiste, et moi non plus je ne l’aimais pas. Il s’appelait Hans. Mais depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de l’Aar, les quantités de bière ingurgitée sont devenues nettement plus croyables, on s’est mis à arriver plus ou moins bien lavé, presque toujours à même de payer son addition et, peu à peu, à contrecœur, on s’est pris d’affection pour le bistrotier, et vice versa. Aujourd’hui, le Café des bains municipaux est tenu par la fille du patron. Elle s’appelle Esther. Comme aubergiste, elle ressemble à son père : elle préférerait n’avoir pour clients que des habitués qu’elle connaîtrait depuis vingt ans au moins et qu’elle pourrait servir avec une sollicitude toute fraternelle. Elle nous aime, et nous l’aimons. Lorsqu’un crasseux de dix-huit ans entre par erreur, elle lève le sourcil comme autrefois son père et demande avec la même politesse hautaine : « Qu’est-ce qu’on vous sert ? »

Auteur.e

Journaliste et romancier franco-suisse de langue allemande, Alex Capus est l’auteur de plusieurs romans couronnés de succès, partant souvent de faits vérifiques brodés avec art.

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