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Lettres d'un voyageur russe en Suisse

Nikolaï Karamzine

Préface : Baudin Rodolphe

Traduction : Baudin Rodolphe

En pleine Révolution française, un jeune Russe parcourt l’Europe et note au passage les particularités d’une Suisse qui se prépare à devenir, pour un temps, la République
helvétique.

Entre 1789 et 1790, Nikolaï Karamzine, gentilhomme russe de vingt-trois ans, parcourt une Europe en plein bouleversements, dont le moindre n’est pas la Révolution française. Sentimental, curieux de tout, Karamzine s’intéresse autant à ces mouvements de société qu’aux paysages et aux costumes traditionnels des régions qu’il traverse, aux grands esprits de son temps qu’aux humeurs des aubergistes.

 

À son retour en Russie, il imagine une correspondance factice entre le narrateur (double fictionnel de l’auteur) et ses amis, créant ainsi, à partir de son voyage réel, une œuvre littéraire originale. Publiées entre 1791 et 1801, ces Lettres d’un voyageur russe vont le rendre célèbre.

 

La présente édition regroupe les Lettres consacrées à la Suisse, sur la base de l’édition intégrale publiée aux Éditions de l’Inventaire, en 2022, dans la traduction de Rodolphe Baudin, professeur de littérature russe à la Sorbonne. Elle est accompagnée d’une préface inédite du traducteur, ainsi que de ses annotations.

Auteur : Nikolaï Karamzine

Catégorie : regards d’ailleurs
Date de publication : 22 novembre 2024
Longueur : 216 pages
ISBN: 9782940775187
Également en format numérique

PDF : ISBN 9782940755194

Epub : ISBN 9782940755200

Echo Magazine – Thibaut Kaeser, 16 janvier 2025

(…) Souvent, le Russe hume les traces de Rousseau. Le Léman? « Le plus beau lac du monde. » Et puis Karamzine prend le thé à Genève l’anglophile : il y rencontre le grand naturaliste Charles Bonnet après s’être rendu à Ferney où il lève son verre à Voltaire. Des voyages comme celui-ci, on en rêve chaque nuit!

 

Le Temps – Samuel Brussell, 8-9 février 2025

Deux livres en un, tels sont parfois les petits miracles de l’édition: on lit avec un intérêt égal le récit du très lettré gentilhomme russe et, en parallèle, la préface et les notes de l’excellente traduction de Rodolphe Baudin. Si, comme le voulait l’historien russe Mikhaïl Bakhtine, « un ouvrage traduit porte deux noms – celui de l’auteur et du traducteur – qui ne désignent qu’un seul et même auteur », c’est ici le cas: on croirait volontiers que ce classique du siècle des Lumières a été écrit en français. Et les commentaires du traducteur – biographiques, historiques et philosophiques – se lisent comme autant de petits récits passionnants. (…)

Mon conducteur m’éveilla à quatre heures du matin. M’armant de ma massue d’Hercule, je me mis en route, posant avec vénération un premier pied sur le flanc de la montagne, au moment d’entamer hardiment mon ascension. La matinée était fraîche ; mais j’eus rapidement chaud et ôtai mon surtout ouaté. Au bout d’un quart d’heure, la fatigue me coupa les jambes et je dus par la suite me reposer à chaque minute. Mon sang se troublait si fort que je pouvais entendre le battement de mon pouls. Je longeai des masses de rochers énormes, tombés du haut de la montagne il y a dix ans de cela et qui auraient pu réduire en poussière une ville entière. J’entendais presque constamment le son sourd produit par des avalanches. Malheur au voyageur infortuné qui rencontre ces masses dévalantes de neige ! Sa mort est inévitable.

 

Je grimpai pendant plus de quatre heures par un étroit sentier pierreux qui parfois disparaissait tout à fait. Enfin j’atteignis l’objet de mes plus ardents désirs et posai le pied sur le sommet de la montagne ; aussitôt se produisit au-dedans de moi un changement surprenant. La sensation de fatigue disparut ; mes forces revinrent ; ma respiration devint libre et aisée ; une quiétude et une joie inhabituelles se répandirent dans mon cœur. Je m’agenouillai, levai les yeux au ciel et offris le sacrifice d’une prière sincère à Celui qui a imprimé de manière si visible dans ces granits et ces glaces la trace de sa grandeur, de son omnipotence, de son éternité !… Mes amis! Je me tenais sur la marche la plus élevée que peuvent gravir les mortels pour adorer le Très-Haut !… Ma langue ne pouvait prononcer le moindre mot, mais jamais je n’avais prié avec tant de ferveur.

 

C’est ainsi que j’ai éprouvé moi-même la véracité de ce que dit Rousseau sur l’effet de l’air des montagnes. Tous les soucis matériels, tous les chagrins, toutes les pensées et les sensations qui rabaissent l’essence noble de l’homme, restent dans la vallée. Et c’est avec pitié que je regardai en contrebas les habitants de Lauterbrunnen, sans envier le fait qu’ils jouissaient à ce moment-là du spectacle du Staubbach, étincelant d’un vif argent sous les rayons du soleil. Ici le mortel ressent sa haute destination, il oublie la société des hommes et se fait citoyen de l’univers; ici, contemplant la crête des hauteurs rocheuses, entravées dans des chaînes de glace et saupoudrées d’une neige sur laquelle les siècles laissent des marques à peine visibles [chaque été, la neige fond dans les montagnes avant qu’elles ne se couvrent, l’hiver venu, de nouvelles couches de neige. S’il était possible de compter ces dernières, nous apprendrions l’âge du monde ou, tout au moins, celui de ces montagnes], il oublie le temps et plonge en pensée dans l’éternité ; ici son cœur saisi d’un effroi sacré, tremble lorsqu’il pense à la Dextre toute-puissante qui éleva ces masses vers les cieux et qui les précipitera un jour dans l’abîme des océans.

Auteur.e

Nikolaï Karamzine (1766-1826) est un homme de lettres, linguiste et historien issu de la noblesse provinciale russe.

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