«Giacumbert Nau»
«Son nom était Giacumbert, et c’est par la même lettre que commençaient les noms des pâturages dont il avait la charge.» Dans les montagnes du canton des Grisons, tout à l’est de la Suisse, dans une de ces hautes vallées alpines dont la langue est le romanche, Giacumbert Nau travaille comme berger. Il est de ce fait un exclu au sein du microcosme où il vit. Solitaire, méfiant à l’égard des villageois qui l’exploitent, il garde ses brebis sur des alpages qui sont son refuge, d’où il contemple les pentes herbeuses en méditant sur l’évolution de la société grisonne : le monde rural se meurt, les terrains sont bradés, le tourisme menace l’identité des autochtones… Mais les journées de Giacumbert Nau ne sont pas que tristesse et désolation : il y a aussi l’attachement aux bêtes, la beauté de la nature, et l’amour d’Albertine – autant d’éléments qui font que la vie vaut d’être vécue.
Plus d'info →«Éléments d’un songe»
Les Éléments d’un songe se présentent comme une suite de variations dont le thème initial est emprunté à L’Homme sans qualités de Robert Musil. À la suite de cet écrivain, grand rêveur en quête d’états parfaits à même de faire oublier la laideur de la vie et l’horreur de la mort, mystique sans Dieu, passionné de la nature, Jaccottet – qui l’a traduit – cherche à son tour les solutions qui permettent de vivre, suivant un élan poétique et philosophique tout à la fois.
L’itinéraire que l’auteur parcourt frappe par la noblesse de ses vues et par l’honnêteté foncière de sa démarche, dont l’extrême exigence dépasse le pessimisme pour exprimer une ambition trop haute peut-être, mais qui ne désespère pas de s’accomplir.
Plus d'info →«Boulevard des Philosophes»
Georges Haldas a dit un jour que prendre conscience de sa relation au père et à la mère, c’est clarifier ses rapports avec soi-même et avec les autres. C’est ce qu’il a tenté de faire avec Boulevard des Philosophes, d’une part, et avec Chronique de la rue Saint-Ours, de l’autre – deux livres en vérité indissociables. Dans le premier, il brosse de son père, mort trente ans plus tôt, un portrait fondé sur ses souvenirs d’enfance. Par son implication personnelle, le narrateur fait ainsi, indirectement, son propre portrait. La figure paternelle, par ailleurs, est forcément en lien avec notre propre découverte du monde : mieux vaut alors, selon l’auteur, comprendre le père plutôt que le tuer, si on veut savoir qui on est et pouvoir se situer parmi les hommes.
Livre de liberté et de fraternité, Boulevard des Philosophes s’adresse à tous et ouvre un chemin en chacun, en écho à la phrase de Pascal citée en exergue : «Toute la suite des hommes n’est qu’un seul homme, qui subsiste toujours.»
Plus d'info →«Poèmes choisis»
Alice de Chambrier est une figure majeure pour quiconque s’intéresse à l’histoire du romantisme et à ses retombées hors de France. Avec un décalage temporel qui s’explique par la position excentrée du cadre où elle est élevée et où elle écrit, la jeune écrivaine neuchâteloise met ses pas dans ceux des grands créateurs qui ont révolutionné la poésie française à partir des années 1820, à commencer par Lamartine et Victor Hugo, le maître vénéré rencontré à Paris en mai 1881.
Les sujets abordés par Alice de Chambrier témoignent, dans leur variété, de sa sensibilité à l’effervescence thématique et formelle qui caractérise la littérature de son temps. Elle apparaît ainsi comme une des dernières incarnations du mouvement romantique, au moment où le naturalisme commence à s’affirmer, et comme un cas unique dans le paysage littéraire de Suisse romande.
Plus d'info →«L’année de l’avalanche»
Un village enneigé dans une vallée tessinoise isolée : tout près d’ici, et en même temps en dehors du temps. La nature maternelle est troublée par un crépitement à peine audible, qui pourrait tourner à l’effondrement, devenir apocalypse : c’est l’avalanche, suspendue à la montagne comme une malédiction. Il faudra quitter les maisons, évacuer les lieux, partir ailleurs. Les habitants s’en vont, après avoir résisté le plus longtemps possible ; ils abandonnent le «bois sacré», les vieux dans les cimetières, le superbe paysage alpestre rendu plus parfait encore par cette neige pourtant menaçante. Le narrateur aussi change d’horizon : il goûte à la ville et à ses saveurs, tout en cherchant à épancher la secrète obsession amoureuse née dans le silence du village, et à s’ouvrir à une nouvelle vie.
Plus d'info →«L’enfant secret»
Nora et Antonio sillonnent l’Italie sur les traces d’un homme politique sortant de l’ordinaire : Benito Mussolini, dont Antonio devient le photographe attitré. Émilie et Julien vivent à Nyon, sur La Côte vaudoise, et rêvent depuis toujours d’ouvrir une auberge de campagne. Les deux couples ne se connaissent pas. Ils ne parlent pas la même langue. Ils n’ont pas les mêmes rêves. Mais leurs destins vont se croiser, puis s’épouser au cours de la première moitié du XXe siècle que le récit retrace au fil d’une envoûtante «remontée du temps».
Plus d'info →«L’araignée noire» suivi de «Le déluge en Emmental»
L’œuvre littéraire de Jeremias Gotthelf, dans laquelle il exprime ses préoccupations civiques et sociales, est souvent lue dans une perspective qui accentue son caractère contextuel, voire régional. Mais L’araignée noire et Le déluge en Emmental échappent à cette vision réductrice. Dans L’araignée noire, l’écrivain aborde un sujet de portée universelle en explorant les réactions de tout un village face à une invasion d’araignées qui déciment peu à peu les habitants. Le caractère fantastique de la nouvelle n’empêche pas Gotthelf d’étudier les réactions de ses pairs pour en tirer la leçon, comme il le fait, en partant de l’évocation d’une catastrophe bien réelle, dans Le déluge en Emmental.
Plus d'info →«Entretien d’un sentimental avec son mur»
«Je suis un sentimental. C’est une sorte de faiblesse, je sais, une sorte de maladie, je sais. Vous en riez ; vous pouvez bien en rire, ça m’est complètement égal. Je ne suis pas un mou, je ne suis pas un lâche, je ne crois pas, je suis seulement un sentimental : je n’aime pas les murs. C’est un défaut, je sais, mais je n’ai pas le choix. Je n’aime pas les murs. Je ne dis pas les vieux murs […] non, je dis les murs que certains croient bon de dresser entre eux et moi, entre eux et vous, entre eux et eux, et ces murs-là sont de béton, lisses et inaltérables, ils ne se laissent entamer par rien, c’est du moins ce qu’ils prétendent, il leur faut ça pour se protéger, c’est du moins ce qu’ils croient ; moi je les soupçonne d’être plus fragiles et plus faibles que moi, je suis un sentimental pourtant, tenez, je me demande si derrière leur mur, à chaque fois, ce ne serait pas par hasard un sentimental qui se cache et se réfugie.»
Plus d'info →«Portrait de l’auteur en femme ordinaire»
À l’aube de la quarantaine, Anne Cuneo, alors maman d’une fillette de neuf ans, apprend qu’elle est atteinte d’une maladie qui pourrait lui être fatale. Elle-même a perdu son père alors qu’elle n’était qu’une enfant, et a toujours regretté de ne pas l’avoir mieux connu ; elle décide donc de raconter sa jeunesse et de retracer son cheminement intérieur afin que sa fille, si un jour elle en éprouve le besoin, puisse comprendre cette mère qui risque de s’en aller trop tôt. Remontant aux sources de son éveil à la conscience, l’auteure évoque sa vie en Lombardie dans une famille bourgeoise, puis sa condition d’immigrée en Suisse, revenant sur un parcours marqué par la discrimination mais aussi par la conquête de l’émancipation.
Plus d'info →«Florides helvètes et autres textes»
Bien que né à Genève, Charles-Albert Cingria détestait qu’on fît de lui un écrivain prisonnier de frontières nationales. Savourant le plaisir d’exister en n’importe quel endroit du monde, il exerce partout sa faculté de sentir. «Je ne puis vous dire ce que j’aime les rues, s’exclame-t-il. Dans toutes les villes, mais surtout celle-ci.» Celle-ci, c’est Genève ; mais le constat vaut pour tout espace, urbain ou naturel, propice à la promenade telle que Cingria la conçoit, à savoir une découverte permanente du merveilleux au sein du quotidien, et une occasion constante de réconciliation avec le monde. Sont réunis ici trois témoignages majeurs de ce regard singulier : Florides helvètes, Impressions d’un passant à Lausanne et Musiques de Fribourg.
Plus d'info →«La confession du pasteur Burg»
La confession du pasteur Burg est un récit de neige et de feu. Car la faute obsède, au pays de Calvin. Le sentiment de culpabilité taraude les âmes et les cœurs. Il est le plus souvent lié à la chair, objet d’angoisse et de fascination : Geneviève. La vocation métaphysique, d’autre part, ou sa plus naturelle intuition, rend plus aigu, plus érodant, l’effet de l’introspection. Jean Burg se manifestera-t-il en vengeur ?
Mais Geneviève révèle et change : elle est, au sens propre, celle qui annonce, l’évangéliste s’incarnant enfin au regard du juge médusé. La médiation de Geneviève gomme toute faute, le péché cède, s’efface, disparaît. Et c’est précisément à cet instant que le récit se crispe, que le drame se mue en tragédie et bascule dans l’immolation.
Jacques Chessex
Plus d'info →« Les évincés »
Il est des textes inclassables. Au confluent de la littérature francophone et de l’art brut à ses balbutiements, Les évincés est de ceux-ci.
En 1905, Marc Christin, chroniqueur pour divers journaux en Suisse romande et à Paris, faussaire récidiviste, fréquent résident – par mesure de sûreté – de l’asile de Cery à Lausanne, publie sous le pseudonyme de Francis Lemuel une autofiction sur son expérience en milieu asilaire : Les évincés.
Passionnant en lui-même, ce récit jamais réédité jusqu’à ce jour n’est pas seulement le témoignage d’un homme de lettres, mais également le résultat d’une approche alors nouvelle en psychiatrie : laisser s’exprimer les personnes internées pour mieux les comprendre, et mieux les traiter. L’art brut émerge peu à peu, et n’a pas encore de nom. Mais la rédaction des Évincés s’inscrit dans un contexte plus large encore : celui du combat pour une réforme des pratiques pénales, qui tiendrait compte de l’état psychique des accusés.
Littérature, psychiatrie, justice pénale, art brut… Marco Cicchini, docteur en histoire moderne à l’université de Genève, revient sur cette époque charnière qui a vu naître Les évincés, et sur le parcours rocambolesque de son auteur. Publiée en 2022 dans la revue Criminocorpus, l’étude qu’il a consacrée aux Évincés vient donner ici tout son relief aux « pages vécues » de Marc Christin.
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